Femmes emblématiques de la guerre de Vendée
De 1793 à 1796 s'est
déroulée la tristement célèbre guerre de Vendée
qui opposa l'ouest catholique et royaliste au tout nouveau gouvernement révolutionnaire
mis en place à partir de 1789.
L'élément déclencheur de cette insurrection est la levée en masse de 300 000 hommes décrétée par la Convention girondine le 23 février 1793. Sont exemptés tous les fonctionnaires et les membres de la garde nationale qui sont mobilisées sur place. La majorité des Vendéens se rebellent face à cette décision et c'est alors que commence le sanglant épisode qui marqua l'ouest français.
De grands noms résonnent à nos oreilles tels Charrette, Lescure, Cathelineau et tant d'autres. Mais de nombreuses femmes ont également rejoint le combat et ont donné toute leur énergie, parfois leur vie au service de cette noble cause. Elles sont peu connues, c'est pour cette raison que nous souhaitons en parler aujourd'hui. La plupart d'entre elles y ont été forcées par les circonstances parce qu'elles cachaient des prêtres réfractaires, parce que leurs époux ou leurs fiancés étaient partis au combat, ou parce que les Bleus étaient venus un jour brûler leurs manoirs et leurs fermes…
Quand la Vendée se soulève en 1793, des comtesses, des marquises ainsi que des femmes du peuple se mêlent aux troupes. Beaucoup périrent sur le champ de bataille, d'autres furent guillotinées, certaines réussirent à échapper à la mort et nous laissèrent des témoignages.
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Madame de Fief, née Libault de la Barassières, est l'aide de camp de François Charrette qui se bat, entouré de ses « amazones », comme il les appelle, des jeunes femmes adroites au tir et excellentes cavalières. Son mari a émigré tandis qu'elle est restée sur le front, se battant pour venger la mort d'un fils, coupé en quatre sous ses yeux par les Bleus. Dès lors, elle prit les armes et devint une des plus farouches amazones de Charette, combattant souvent en première ligne. Un général républicain témoigna : "Une femme en amazone, vêtue de nankin, s'est fait remarquer, elle caracolait à la tête des brigands."
En guise de décoration pour sa bravoure, Louis XVIII lui fera don de son portrait.
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Madame Bulkeley, née Latour de la Cartrie n'est pas moins intrépide. A cheval, en robe verte, écharpe blanche à la taille et pistolet à la ceinture, elle commande une compagnie de chasseurs à sa solde. Arrêtée en 1794, condamnée à mort, elle obtient un sursis grâce à une fausse déclaration de grossesse. Aussitôt sortie, elle réunit quelques centaines d'hommes et retourne se battre. Elle échappera aux balles, aux sabres et à la guillotine et vivra jusqu'à l'âge de soixante-dix-neuf ans.
La jeune comtesse de Bruc
du Cléray,
amazone de l'armée catholique et royale
aura moins de chance puisqu'elle meurt à Beaupréau, sabrée par un hussard alors
qu'elle était tombée d'un cheval mal sanglé.
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Roturières et paysannes ne sont pas en reste à la bataille de Torfou ; lorsque les Vendéens fuient face aux terribles soldats de Kléber, elles se mettent en travers de leur chemin et menacent de prendre les armes à leur place. Ils s'en retournent alors et vainquent. A Dol, dans les mêmes circonstances, la femme de chambre de Mme de la Chevalerie s'empare d'un cheval, fait volte-face en criant « Au feu les Poitevins » ce qui laisse le temps à Mme de Bonchamps de ramener les renforts qu'elle a réussi à rassembler.
Un des tambours de l'armée de d'Elbée est une fillette de 13 ans. Elle est tuée à Luçon. A cette même bataille participe Marie-Antoinette de Puybelliard. Elle se bat habillée en homme jusqu'au bout puisqu'elle meurt un peu plus tard, fusillée.
Jeanne Robin, fille de métayer entre avec son père, son frère et son fiancé sous les ordres de Lescure qui avait pourtant menacé de renvoyer et de tondre toute femme qu'il trouverait dans son armée (hormis la sienne qui l'avait suivi d'autorité).
Mais lorsque Jeanne lui avoue son sexe, il ne peut lui refuser les souliers qu'elle demande pour continuer à marcher à ses côtés. Il est vrai que c'est elle qui, en première ligne, lui criait « Mon Général, vous ne me dépasserez pas, je veux aller plus près des Bleus que vous ! »
Elle alla si près qu'une balle la coucha sur le champ de bataille. Le curé, ramené en hâte par son fiancé, n'eut que le temps de consacrer leur union avant de lui fermer les yeux. Elle avait alors vingt ans.
Renée Bordereau, fille de paysans, eut une vie hors du commun. Elle a 23 ans en 1793 quand les conflits éclatent. Les Bleus ont massacré quarante-deux membres de sa famille et tué son père sous ses yeux. N'ayant plus rien à perdre, elle se procure un fusil, s'entraîne et rejoint les hommes de sa paroisse qui partent se battre. Habillée en homme, ses compagnons la surnomment désormais « Langevin ».
Pendant tout le long de la guerre, elle va servir Dieu et le roi aux côtés des plus grands généraux de la contre-révolution : Lescure, Bonchamps, Cathelineau, Stofflet… Adroite au sabre et au pistolet, à cheval ou à pied, elle tue onze hussards à Vihiers. Au pont de Lé en septembre 1793, elle sabre vingt et un Bleus en un seul jour, brisant son arme sur la tête du dernier. A Chemillé, elle reçoit une balle dans la jambe, une autre sous l'oreille. Blessée ensuite au bras droit, elle s'entraine à tirer de la main gauche.
Langevin est sans faiblesse pour les Bleus mais elle est juste et honnête. En effet, elle fait épargner un commissaire de la République parce qu'il a abrité des prêtres et à l'inverse, tire sur un des ses propres soldats qui la vole et fait fusiller un commandant de cavalerie qu'elle a surpris entrain de violer une femme.
Après la pacification de Nantes, sa tête est mise à prix pour 40 mille francs.
Elle est arrêtée à Cholet et envoyée à la prison d'Angers, escortée de deux cents hommes. Elle croupit en cellule pendant 18 mois avant d'être transférée au mont St Michel où elle reste encore emprisonnée pendant deux longues années avec seulement du pain et de l'eau.
Au rétablissement de la Monarchie, elle est libérée et décorée du Lys par le duc de Berry. A la demande de ses proches, elle rédige ses mémoires et finit par s'éteindre des suites d'une maladie en 1824.
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Victoire de Donnissan, plus connue sous le nom de Marquise de Lescure puis Marquise de La Rochejacquelein est née au château de Versailles le 25 octobre 1772.
Alors que son mari se joint aux combats des Vendéens en 1793, Victoire, qui n'a alors que 21 ans, entame la virée de galerne.
Le 3 novembre 1794, Lescure meurt et sa jeune veuve participe à toute la suite de l'équipée. Le 19 avril de la même année, elle accouche de deux jumelles qui ne vivront guère longtemps puis émigre en Espagne. C'est là-bas qu'elle rédige ses Mémoires qui seront publiées en 1814 sous le titre « Mémoires de Mme la Marquise de la Rochejacquelein ». En effet en 1802, de retour en France, elle a épousé Louis de la Rochejacquelein, frère cadet d'Henri, qui mourra lors de l'insurrection de 1815.
Elle y parle de la guerre de Vendée, des événements qu'elle a traversés. Ce récit constitue un témoignage de premier ordre sur le génocide vendéen.
Elle meurt le 15 février 1857 âgée de 84 ans.
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Des archives témoignent encore que l'épouse d'un fileur de Botz-en-Mauges et la fille d'un journalier de Saint-Georges-du-Puits-de-la Garde, ont accompagné leurs hommes en se faisant passer pour leur frère et pour leur fils, mais combien d'autres femmes anonymes sont tombées en Vendée, qui se battaient pour l'honneur, l'idéal ou la survie parce qu'elles avaient décidé de ne pas attendre sur les cendres de leurs foyers que les commissaires de la République les fassent fusiller, guillotiner ou noyer dans les eaux tumultueuses de la Loire… ?
« Il n'y a plus de
Vendée. Elle est morte sous notre sabre libre avec ses femmes et ses enfants.
Je viens de l'enterrer dans les marais et les bois de Savenay. J'ai écrasé les
enfants sous les pieds de nos chevaux, massacré les femmes qui, au moins
celles-là, n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas un prisonnier à me
reprocher. J'ai tout exterminé… », écrivait le
Général Westermann, après la bataille de Savenay.
Les atrocités qui ont été commises pendant cette guerre ont fait plus de 300 000 morts. La Vendée a mis plus d'un siècle à se rétablir…
Eva du Tertre